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 Marmotte
(Marmota marmota)

 

 
BIOLOGIE DE LA MARMOTTE

Étymologiquement, la Marmotte est une souris de montagne : du latin murem montis (mus, muris, souris ; mons, montis, montagne). En fait, ce Rongeur est un Écureuil (famille des Sciuridés) qui a clairement opté pour une vie non-arboricole. Comme ce dernier, la Marmotte se déplace surtout par bonds (4).

Photo n°201405021
Marmotte (Marmota marmota)
Cliché Serge SOYEZ
Copyright Reproduction interdite sans autorisation

La Marmotte des Alpes est venue d’Asie, il y a 200 000 ans, lors d'un intervalle interglaciaire. Elle colonisait alors surtout la plaine. C’est seulement pour fuir l’Homme qu’elle a dû s’adapter à la vie en montagne (9).

La bibliographie et la webographie sont riches en description de la vie de la Marmotte (habitat, alimentation, reproduction, organisation sociale). En ce qui concerne l’hibernation, les données se font plus pauvres. Pourquoi et comment la Marmotte hiberne-t-elle ?

Notons que parmi les animaux hibernants, on ne trouve pas que des mammifères : un oiseau, l'Engoulevent commun (Phalaenoptilus nuttallii) hiberne lui aussi (6). Des études sur la phylogenèse (du grec phulon, race et génésis, création : histoire évolutive d'une espèce ou d'un groupe d'espèces) ont montré que les animaux capables d'entrer en état de vie ralentie, ne possèdent pas de gènes spécifiques leur permettant d'assurer ce mécanisme. Ils ont seulement la capacité de réguler certains gènes que l'on retrouve dans tout le monde animal. Ainsi, l'Homme possède le même potentiel génétique que la Marmotte pour hiberner (6). (Ce qui ne veut pas dire qu'il en soit capable ! ).

En tant qu’animal endotherme (grec endon, dedans et thermos, chaleur) (qui prend sa chaleur « à l’intérieur », qui se réchauffe grâce à son métabolisme, par opposition à un animal ectotherme (grec ektos, à l’extérieur et thermos, chaleur) comme un Poisson, un Amphibien ou un Reptile qui prend sa chaleur « à l’extérieur », qui se réchauffe grâce à une source de chaleur extérieure comme le soleil), la Marmotte a théoriquement trois possibilités au début de l’automne :

 Soit elle opte de lutter contre le froid hivernal par une activité accrue de son métabolisme ; mais il lui faudra se nourrir d’aliments très énergétiques … qu’elle ne trouvera pas l’hiver venu. Ce choix n’est pas viable !
 Soit elle descend de sa montagne ! Ce choix n’est pas possible car la Marmotte, avec ses courtes pattes, ne dispose que de facultés de déplacement réduites.
 Soit elle choisit de diminuer son métabolisme basal, sa consommation d’oxygène, son activité endocrinienne, sa fréquence cardiaque, sa fréquence respiratoire, sa température interne, après avoir pris soin de bien s’engraisser. C’est dans cet état léthargique, entre la vie et la mort, que la Marmotte choisit de passer l’hiver.

En fait, ce comportement répond plus à la présence d'une horloge interne, qu'à une adaptation aux conditions extérieures (6). En 2020, deux équipes ont montré, de façon indépendante, les processus neuronaux et moléculaires qui commandent la thermorégulation chez les mammifères, et notamment l’entrée en hibernation. Ces processus font intervenir des neurones d’une région de l’hypothalamus appelé « noyau préoptique médian » (12) (17). Chez la Marmotte, les événements physiologiques comme la reproduction, l'alimentation, la masse corporelle ou l’hibernation suivent un cycle circannuel, alors même que la température ambiante et la photopériode sont constantes (6). Ainsi l’hibernation des Marmottes alpines débute et se termine invariablement aux mêmes périodes de l'année.

Dès le début de l’automne, souvent après une chute de neige qui bloque les sources de nourriture, tout le groupe de Marmottes s’enfoncent sous terre en prenant soin de bien reboucher hermétiquement le couloir d’entrée du terrier par un tampon constitué de terre, de pierres, de foin et de poils malaxés. Il n’y a alors plus d’échange gazeux avec l’extérieur : les Marmottes devront composer tout l’hiver avec le dioxygène présent lors de la fermeture de leur abri. Un terrier d’hibernation peut héberger un couple seul, toute une famille (parents et jeunes de l’année) ou le plus souvent la population de plusieurs terriers d’été, soit dix à quinze individus. Les Marmottes se blottissent alors les unes contre les autres (7) et sombrent, en 10 à 24 H, dans un profond sommeil qui est plutôt une sorte de "démission fonctionnelle" (9). En période d’activité, une Marmotte a une fréquence cardiaque comprise entre 80 et 220 battements par minutes (7) (13), une fréquence respiratoire entre 15 et 30 par minute (7) (13), une température interne entre 36 et 39°C (5) (9). En période d’hibernation, la fréquence cardiaque tombe dans une fourchette comprise entre 1 à 30 battements par minute (9) (13) (diminution du flux sanguin). La filtration rénale est aussi fortement diminuée. La fréquence respiratoire est comprise entre 1 à 2 mouvements par minute (5) et la température interne entre 4 et 12°C (5), le cerveau conservant une température plus élevée que le reste du corps (9). La température interne idéale est de 8 à 11°C (2), ce qui fait une température du terrier comprise entre 7 et 9°C (5; la Marmotte ayant toujours 1 ou 2°C de plus que la température de son terrier, dans les conditions normales. Dans les conditions extrêmes, les températures internes doivent être comprises entre 2,5 et 18 °C (15) (16), soit une température ambiante comprise entre -1°C et 20°C : en deçà et au delà, la Marmotte n'hiberne pas (15). À noter que dans la condition extrême de température ambiante de -1°C, la Marmotte doit augmenter sa thermogenèse pour combler la perte de chaleur, tout en restant en hibernation, ce qui bien évidement a un coup énergétique (6). Dans le cas d'une température ambiante supérieure à 18°C, la Marmotte augmente également son métabolisme (6). Dans les conditions normales d'hibernation, le nombre de plaquettes diminue et le taux de prothrombine s’abaisse (2). L’agrégation plaquettaire est alors très limitée ainsi que la formation d’un réseau de fibrine : il n’y a pas de formation possible de thrombus dans ces conditions, pas de coagulation. Le métabolisme basal est divisé par 10 (9) et la consommation d’O2 par 20 (9). La quantité totale de CO2 dans le sang est quant à elle largement augmentée (hypercapnie) (2) ce qui sans doute va stimuler les centres respiratoires et favoriser les 1 à 2 mouvements respiratoires de très faibles amplitudes par minute. La glycolyse hépatique et musculaire est inhibée (10), et l’utilisation des substrats est déplacé vers la lipolyse (1) (8) (18) : l'utilisation des graisses (oxydation des lipides) assure ainsi les besoins énergétiques incompressibles pour le maintien des fonctions vitales. De plus, la respiration mitochondriale est déprimée de façon réversible (11) (14). La synthèse d'ATP diminue de 90 % (6). Les synthèses d'ADN (réplication, division cellulaire), d'ARN (transcription) et de protéines (traduction), très coûteuses en énergie, sont largement déprimées en dehors des périodes d'éveils (6).

La Marmotte est vraiment dans un état d’équilibre physiologique très précaire, qui peut à tout moment basculer vers la mort.

De plus, comme tous les Mammifères hibernants, la Marmotte est soumise à des éveils de période et de durée variables. La fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire et la thermogenèse augmentent jusqu’à des valeurs proches de la normale, bien qu’un peu inférieures. À première vue, c’est une véritable catastrophe pour le Rongeur. Pendant ces périodes d’éveil, qui ne représentent que 5% de la durée total de la présence de l’animal dans son terrier d’hiver, la Marmotte dépense 90% de ses réserves énergétiques ! Pourtant, ces phases d’éveils sont vitales pour le Mammifère. Elles sont indispensables pour assurer des fonctions d’entretien coûteuses en énergie et exigeant une température interne élevée (3) comme la synthèse d'ATP, la respiration mitochondriale, la division cellulaire, la production de protéines, etc.

Entre fin mars et début mai, chaque Marmotte se réveille définitivement en quelques heures, l’éveil de l’ensemble du groupe prenant une dizaine de jours : c’est une véritable résurrection. La Marmotte aura dormi six mois et perdu entre 2,5 à 3,5 kg (7), soit presque la moitié de son poids du début de l’automne. Cependant, et de manière très étonnante, elle n'aura perdu ni sa masse musculaire, ni sa masse osseuse !

Photo n°201405020
marmotte (Marmota marmota)
Cliché Serge SOYEZ
Copyright Reproduction interdite sans autorisation

Pour en savoir plus, consultez la bibliographie et la webographie qui suivent.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

  N°1 ANDREWS MT, SQUIRE TL, BOWEN CM, ROLLINS MB. (1998)
Low-température carbon utilization is regulated by novel gene activity in the heart of a hibernating mammal
PROC NATL ACADEMY OF SCIENCE USA 95: 8392-8397

  N°2 BOUBET, Boris.(1996)
« L'hibernation de la Marmotte des Alpes Marmota marmota »
Thèse de médecine vétérinaire présentée à l'Université Claude Bernard (Lyon I)

  N°3 URRY Lisa, CAIN Michael, MINORSKY Peter, WASSERMAN Steven, REECE Jane (2020)
« Biologie de Campbell »
Éditeur : Erpi
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  N°4 CHAZEL Luc et DA ROS Muriel (2002)
« L’encyclopédie des traces d’animaux d’Europe »
Éditions Delachaux & Niestlé
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  N°5 COUTURIER Marcel (1964)
« Le Gibier des montagnes françaises »
Éditions Arthaud

  N°6 CRISTINELLI Adrien (2006)
« Torpeur et hibernation chez les Vertébrés »
Thèse de médecine vétérinaire préparée à l'École Nationale Vétérinaire d'Alfort
http://docplayer.fr/24679473-Torpeur-et-hibernation-chez-les-vertebres-homeothermes.html

  N°7 DRAGESCO Eric (2003)
« La vie sauvage dans les Alpes »
Éditions Delachaux & Niestlé
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  N°8 EPPERSON LE, DAHL TA, MARTIN SL. (2004)
Quantitative analysis of liver protein expression during hibernation in the Golden-mantled suirrel
Mol. Cell. Prot. 3: 920-933

  N°9 FISCHESSER Bernard (2018)
La vie de la montagne
Éditions Delachaux et Niestlé
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  N°10 HELDMAIER G, KLINGENSPOR M, WEMEYER M, LAMPI BJ, BROOKS SPJ, STOREY KB. (1999)
Metabolic adjustements during daily torpor in the Djungarian hamster
Am. J. Physiol. 276: E896-E906

  N°11 HITTEL DS, STOREY KB. (2002)
Differential expression of mitochondrial-encoded genes in a hibernating mammal
J. Exp. Biol. 205: 1625-1631

  N°12 HRVATIN, S., SUN, S., WILCOX, O.F. et al. (2020)
Neurons that regulate mouse torpor
Nature 583, 115–121 (2020)
https://www.nature.com/articles/s41586-020-2387-5

  N°13 MACDONALD David W et BARRETT Priscilla (2005)
‹‹ Guide complet des Mammifères de France et d’Europe ››
Éditions Delachaux & Niestlé
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  N°14 MARTIN SL, MANICRO GD, CAREY C, HAND SC. (1999)
Reversible depression of oxygen consumption in isolated liver mitochondria during hibernation
Physiol. Biochem. Zool. 72: 255-264.

  N°15 ORTMANN S, HELDMAIER G. (2000)
Regulation of body temperature and energy requirements of hibernatig Alpine marmots (Marmota marmota)
Am. J. Physiol. 279: R698-R704

  N°16 RUF T, ARNOLD W. (2000)
Mechanisms of social thermoregulation in hibernating alpine marmots
In HELDMAIER G, KLINGENSPOR M, (Eds), Life in the Cold. Springer Verlag. Heidelberg, pp 81-94.

  N°17 TAKAHASHI, T.M., SUNAGAWA, G.A., SOYA, S. et al. (2020)
A discrete neuronal circuit induces a hibernation-like state in rodents
Nature 583, 109–114 (2020)
https://www.nature.com/articles/s41586-020-2163-6

  N°18 VAN BREUKELEN F, MARTIN SL. (2002).
Molecular Biology of  Thermoregulation. Invited Review: molecular adaptations in mammalian hibernators: unique adaptations or generalized responses?
J. Appli. Physiol. 92: 2640-2647.

 

WEBOGRAPHIE

  N°1' CRISTINELLI Adrien (2006)
« Torpeur et hibernation chez les Vertébrés »
Thèse de médecine vétérinaire préparée à l'École Nationale Vétérinaire d'Alfort
http://docplayer.fr/24679473-Torpeur-et-hibernation-chez-les-vertebres-homeothermes.html

 

 

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